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SMLH 83 Comité de Draguignan - Conférence : Abeilles et apiculture par Gilles de Khovrine

Publié le 06 février 2024
Crédit: Shutterstock

Vendredi 26 janvier 2024, le cycle de conférence du comité a repris sur le sujet traité de main de maitre par notre nouvel adhérent le général Gilles de Khovrine, apiculteur amateur depuis de très nombreuses année.

Son intervention particulièrement documentée a été suivie avec beaucoup d’attention par un auditoire très nombreux. Voici ci-dessous le bref résumé qui nous a tenu en haleine.

L’abeille, que l’on a découverte fossilisée pratiquement dans sa morphologie actuelle, est apparue probablement en Asie centrale il y a plus de 100 millions d’années. Elle a donc survécu à tous les cataclysmes que la Terre a connus. Elle appartient à la famille des hyménoptères comme la guêpe qui l’a précédée ou encore la fourmi.

Elle possède six pattes, deux paires d’ailes qui s’accouplent en vol, deux antennes, deux yeux et trois ocelles, des organes buccaux et des mandibules. Issue de l’abeille Apis Cerana, c’est la branche Apis Mellifera qui s’est développée sur le continent européen et constitue la race la plus intéressante pour l’apiculture mais également pour l’agriculture en général grâce au processus de la pollinisation.

Nombre de nos concitoyens confondent encore la guêpe et l’abeille…. La guêpe est de couleur dominante jaune, possède thorax et abdomen très différenciés à la liaison très fine : d’où la fameuse « taille de guêpe » … C’est une prédatrice carnassière qui vit en très petites colonies dans des nids en papier mâché qu’elle construit. Elle est équipée d’un dard d’auto-défense venimeux lisse, ce qui lui permet de piquer plusieurs fois.

L’abeille de couleur plus sombre est aussi plus trapue que la guêpe. Elle ne s’intéresse qu’aux fleurs ou dans une moindre mesure à d’autres végétaux. Elle vit dans des colonies étonnamment populeuses et constitue une société très hiérarchisée qui peut atteindre en haute saison plus de 60 000 individus dont les tâches spécifiques évoluent au fil de leur existence. De simple nettoyeuse puis nourrice après sa naissance, l’abeille finira sa vie dans la noble fonction de butineuse. Au contraire de la guêpe, son dard venimeux est cranté. Ainsi, l’abeille en piquant l’abandonne avec sa poche à venin ce qui entraîne presque immédiatement sa mort. Enfin, grâce à de nombreux capteurs répartis sur son corps, cet insecte mellifère possède de surprenantes capacités visuelles, olfactives, gustatives, auditives et de toucher. Le plus surprenant, et encore partiellement inexpliquée, reste son exceptionnelle aptitude à la navigation pour détecter à plusieurs kilomètres les champs de fleurs et rentrer sans se tromper à la ruche.   

Sauf lors de la période de l’essaimage (printemps) qui est le moyen naturel de perpétuer la colonie, celle-ci ne comporte qu’une seule reine. Peu après sa naissance et par beau temps, cette reine sera fécondée en vol, loin de la ruche, successivement par une dizaine de mâles-abeilles – communément appelés faux-bourdons par abus de langage – réunis en congrégation de mâles de toutes provenances. Cette diversité de mâles assure ainsi le brassage génétique indispensable à la pérennité de l’espèce. Malheureusement pour eux, leurs organes génitaux sont arrachés après l’accouplement et ils ne survivent pas après leur unique copulation. Après ce vol, la reine fertilisée demeurera dans sa colonie pour exclusivement y pondre durant parfois plusieurs années et sans en sortir. Au centre de la ruche, dans la zone de la nurserie appelée couvain, elle dépose consciencieusement un œuf dans chaque alvéole préalablement préparé et nettoyé par les ouvrières. La reine a un rôle essentiel dans la colonie et en régit globalement la vie et la cohésion grâce notamment à de puissantes émissions de phéromones (messages olfactifs). Au milieu du printemps, elle peut pondre jusqu’à 2000 œufs par jour. Après trois jours, l’œuf éclot pour libérer une larve que de jeunes ouvrières vont nourrir d’un mélange miel-pollen jusqu’à l’operculation de l’alvéole par un bouchon de cire, processus qui intervient environ au huitième jour après la ponte. Au 21e ou 24jour vont émerger respectivement ouvrières ou mâles. L’ouvrière est issue d’un œuf fécondé (diploïde) qui aura traversé avant la ponte la spermathèque de la reine. C’est le cas le plus courant. En revanche, un faible pourcentage d’œufs suivra un circuit différent évitant la spermathèque. Ces œufs ainsi non fécondés sont dits haploïdes et donnent naissance à des mâles, plus massifs que les abeilles, avec de gros yeux et sans dard. 

Cette cadence de ponte augmente rapidement les effectifs et compense la mortalité des ouvrières qui se tuent littéralement à la tâche en ramenant à la ruche nectar, pollen et propolis. La durée de vie moyenne d’une ouvrière est de 5 semaines en été pour 800 km de vol, elle peut atteindre 6 mois en hiver lorsque le travail est quasiment à l’arrêt en l’absence de floraisons. Les œufs donneront majoritairement naissance à des ouvrières, mais aussi à quelques centaines de mâles dépourvus de dard, plutôt improductifs mais indispensables pour les fécondations de reines. L’hiver les mâles seront quasiment absents car chassés des ruches comme autant de bouches inutiles… Lorsque la reine est vieillissante et ralentit sa ponte, les ouvrières vont élever une dizaine de nouvelles reines en nourrissant les larves exclusivement avec de la gelée royale secrétée par les jeunes abeilles. Cet élevage de nouvelles reines est le signal de la période de l’essaimage. A partir d’un même œuf au départ, cette nourriture « royale » va donner naissance à une jeune reine presque deux fois plus grosse qu’une ouvrière et surtout dotée d’une capacité de vie d’environ 5 ans…

Depuis la plus haute Antiquité, l’homme a su exploiter les produits des abeilles : miel, pollen, cire, propolis, venin… mais souvent hélas en les sacrifiant par étouffement. Grâce à l’essor de l’apiculture au 19e siècle et la mise au point de différents modèles de ruches à cadres en bois, l’apiculteur va profiter des diverses productions de la ruche avec le minimum de dommages pour elle. Il va notamment extraire dans sa miellerie les surplus de miel accumulés par les abeilles dans des hausses dédiées et faire parfois de très belles récoltes jusqu’à plusieurs dizaines de kilos par ruche productive.

Ce miel est issu principalement du nectar des fleurs dites mellifères que les abeilles rapportent à la ruche et échangent de jabot à jabot avec leurs congénères grâce au processus de la trophallaxie. Par ajouts successifs d’enzymes et par déshydratation, le nectar se transforme en miel prêt à être stocké dans les alvéoles. Lorsqu’il n’excède pas 18 % d’humidité, le miel est finalement operculé avec une fine pellicule de cire.  

La production française, relativement stable, atteignait environ 31 000 tonnes de miel en 2022 pour 1,8 millions de ruches déclarées (professionnels ou amateurs). Pour satisfaire ses besoins, la France en importe hélas à peu près autant et se heurte à la question prégnante de la concurrence à moindre prix et surtout du miel frelaté souvent allongé de vulgaires sirops de sucre.  

En cette époque moderne d’échanges intensifs, de productivisme et de dérèglement climatique, l’apiculteur doit maintenant composer avec de nouvelles menaces sur les abeilles dont les humains sont fréquemment à l’origine : acariens, maladies, prédateurs comme le frelon asiatique ou encore trop souvent de redoutables insecticides. 

Quoi qu’il en soit, l’abeille a démontré au cours des millénaires que ce petit insecte remarquable avait, bien avant l’apparition de l’Homme, une incroyable capacité collective d’adaptation et de défense face aux aléas. Ce constat laisse augurer qu’il nous survivra malgré tout et nous force à l’admiration et à l’optimisme. 

Gilles a répondu aux nombreuses questions de l’auditoire qui voulait vraiment tout connaître de ce monde utile à notre environnement, discussion qui s’est poursuivis pendant le déjeuner.

Un grand merci à Gilles pour cette remarquable présentation du monde qui nous entoure.

 

Général Alain Vigreux

Président du Comité de Draguignan