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SMLH 83 Comité de Fréjus Saint-Raphaël - Une grande dame nous a quittés

Publié le 18 décembre 2023

Il y a quelques jours disparaissait l'une des dernières figures de la Résistance, Inès Schneider, survenue à l'âge de 100 ans à Fréjus.

Nous devions célébrer son centenaire en début d’année 2024, mais c’est sur son cercueil que nous avons déposé la médaille promise de la SMLH, ce lundi 18 décembre. 

Léo Verriest , notre jeune filleul de la SMLH, Olympien en 2021, qui prépare un recueil de témoignages de Résistants et déportés rencontrés au fil de ses années de lycéen et jusqu’à aujourd’hui , avait interviewé Inès Schneider il y a encore un mois .

Il m’autorise à vous livrer ces quelques extraits de l’histoire de notre sociétaire qui paraitra dans son recueil « Les femmes pendant l’occupation », en 2024.   

Inès Garattoni est née le 6 mai 1923 à Fermignano en Italie. Fuyant le fascisme et la misère, la famille Garattoni arrive dans les années 1920 à Auboué, en Meurthe-et-Moselle. Auboué, une cité ouvrière, fortement empreinte des idéaux communistes des mineurs, sidérurgistes, ouvriers, qui y habitent.

« Le Front Populaire !  Je suis jeune à l’époque, c’est en 36, mais il y a de la joie. C’est là qu’on a commencé à avoir des salaires corrects ». 

C'est cet espoir des Jours Heureux qui anime la jeune Inès dans les années 1940, l'entrée dans la Résistance n'en est donc que plus naturelle. Inès distribue des tracts de propagande anti-nazie dans les cités ouvrières de la commune, membre d'un réseau composé de nombreux militants des Jeunesses communistes dissoutes.  Son frère aîné, Orlando Garattoni, est chef FTPF du groupe d’Auboué-Briey de la région C. Orlando est arrêté le 4 juin 1942 par la police judiciaire française et la gendarmerie, en représailles d'un sabotage par la Résistance de la centrale électrique d’Auboué, le 4 février 1942. …Condamné à mort le 20 juillet 1942 pour « activité communiste et détention d’armes et d’explosifs, sabotages » par le tribunal militaire de la Feldkommandantur de Nancy, Orlando tente de se suicider au sein de la prison Charles II, il échoue et se retrouve brancardé pour être fusillé. « Mon frère est fusillé le 29 juillet dans la forêt de Haye, à « La Malpierre » avec neuf camarades. Une nouvelle épouvantable pour moi, pour toute la famille ». 

Arrestation et internement d'Inès

Le réseau d'Inès est vite démantelé, très certainement pour cause de dénonciation ou de trahison. Inès est arrêtée, acheminée jusqu’à la prison communale de Briey. Dès le 12 août, Inès est internée au camp d’Ecrouves. Dans les geôles nazies, Inès et ses camarades connaissent des conditions sommaires, certaines traversent l'épouvantable épreuve de la torture.  Inès en est préservée. 

Inès fête ses vingt ans le 6 mai 1943 à la prison Charles III de Nancy, où elle avait été transférée le 25 août 1942. Incarcérée à la prison Les Hauts Clos de Troyes, Inès se retrouve avec les « indésirables », citoyennes étrangères, des résistantes, juives. « En prison, je fais la rencontre de nombreuses femmes ayant pratiqué des avortements clandestins... car il y a toujours des bonnes âmes prêtes à dénoncer ce qui ne les regarde pas ! ». A sa libération, permise grâce à sa nationalité italienne, Inès retrouve son logement vidé par ses propriétaires, sous la crainte des représailles. Inès part travailler dans une petite cartoucherie pour les mineurs de fond et ce jusqu'à la Libération, en septembre 1944. 

Rencontre avec Serge, revenu de Sachso

Quelques mois plus tard, Inès fait la rencontre aux Jeunesse communistes d'un certain Serge Schneider, vingt-et-un ans, revenu de vingt-sept longs mois passés au sein de l'enfer concentrationnaire, à Orianenbourg-Sachsenhausen. A son contact, Inès comprend le sort qu'ont connu ses camarades dont elle a été séparée en prison. La famille Schneider,est une famille marquée à vif par la répression nazie  : si Serge est revenu de Sachso, son père Joseph est mort en déportation à Auschwitz, où il avait été déporté en juillet 1942. Sa sœur Gisèle, quant à elle, revient de l'enfer de Ravensbrück.

Inès et Serge se marient le 24 décembre 1946 à Auboué, ville dont Inès fut conseillère municipale communiste de nombreuses années. Membres de la FNDIRP dès sa création, Inès et Serge demeurent fidèles aux idéaux et combats de leur jeunesse. A l'heure de la retraite, à la fin des années 1970, Inès et Serge s'installent à Fréjus, dans le Var, où ils s'impliquent dès lors dans la FNDIRP.  Membre du Comité National, président de la section de Fréjus/Saint-Raphaël, Serge témoigne 

inlassablement auprès des élèves varois, notamment au collège Berty Albrecht de Sainte-Maxime. Serge Schneider disparaît le 10 novembre 2013. 

Militante de la mémoire, militante pour la paix

Décorée de la Légion d'Honneur en 2015, Inès est élue en 2021 présidente d'honneur de la FNDIRP du Var. Jamais Inès n'a transigé avec ses convictions. Voici ses dernières paroles, il y a un mois :

"Nous ne sommes plus qu'une poignée à avoir survécu aux prisons et camps nazis, et j'espère que nous serons définitivement les derniers à avoir survécu à une guerre. C'est encore une histoire récente, d'ici quelques années, on en parlera plus, mais qu'on sache qu'il n'y a rien de pire que la guerre. Quand je repense à Orlando, mon frère... C’était le meilleur des trois, il avait l’avenir devant lui. Ben non, il a été fusillé à vingt ans, c’est comme ça. C’est pour ça qu’il faut se battre pour que jamais les gens ne connaissent la guerre : on doit se rencontrer autour d’une table, discuter des problèmes, mais ne pas s’entre-tuer. » 


Hélas ces propos résonnent tristement dans le contexte de ce mois de décembre 2023 , comme si l’histoire ne nous avait rien appris !

 

Yvette Destot 

Présidente du Comité de Fréjus Saint-Raphaël